« A quand l’égalité salariale », par Danièle Licata, journaliste et fondatrice de Femmes & Business
Personne ne conteste que depuis plus d’un demi-siècle, le principe de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes ne soit juridiquement établi. Et la lutte contre les discriminations sexistes se poursuit inlassablement par les instances politiques. De nombreuses dispositions législatives ont confirmé les droits des femmes sur le marché du travail. Pourtant, les blocages sont nombreux et bien identifiés et se heurtent à des résistances fortes, source des inégalités persistantes : stéréotypes, éducation et orientation, sectorisation professionnelles, partage inégal des responsabilités familiales qui renforcent les différences de traitement entre les femmes et les hommes en matière d’accès à l’emploi, d’évolution de carrière et de rémunération.
Certes, les lois du 9 mai 2001 renforcée par la loi du 23 mars 2003 en matière de réduction des écarts salariaux, à savoir
(-instaurer l’obligation pour chaque branche de négocier sur l’égalité professionnelle,
-obliger les entreprises d’au moins 50 salariés à négocier chaque année sur ce thème,
-intégrer des objectifs d’égalité professionnelle dans les négociations de branches sur les salaires et les classifications) sont nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes en dépit du nombre croissant d’accords signés.
On constate des difficultés récurrentes à la fois pour établir un diagnostic sur la base d’indicateurs chiffrés et à prévoir des mesures concrètes en vue d’atteindre cette égalité, souligne le dernier rapport du conseil économique et social.
Pourtant les leviers existent : promotion interne, formation professionnelle, organisation du travail et articulation vie familiale et vie professionnelle et tant d’autres encore. Mais les discriminations persistent et les inégalités s’installent.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Alors que les filles ont de meilleurs résultats scolaires,
Le sous-emploi touche très majoritairement les femmes. Elles représentent 80 % des personnes dans cette situation. A niveau de formation identique, les jeunes hommes s’insèrent mieux : cinq ans après leur sortie du système scolaire, les femmes sont plus touchées par la précarité. 82 % des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes. Et ces inégalités ne s’arrêtent pas avec l’âge : le taux d’emploi des plus de 55 ans atteint 41 % pour les hommes et seulement 36 % pour les femmes.
Même constat pour l’accès à la formation : 57 % des femmes se sont formées en 2009 contre 62 % des hommes, l’écart s’accentuant pour les moins qualifiés.
Et en matière de rémunération, à diplôme et poste égal, la différence atteint encore 20%.
En matière d’entrepreunariat, si les femmes sont aussi nombreuses à vouloir créer leur entreprise, moins d’un tiers franchissent le pas, d’après le premier baromètre des femmes entrepreneures réalisé par le réseau des Caisses d’épargne. Aux Etats-Unis, elles sont 48 %. Et quand en France, elles sautent le pas, elles restent largement cantonnées aux secteurs féminins qui demandent peu d’investissement financier (comme les aides à la personne, le tourisme, la communication) et sont peu seulement 6 % dans l’industrie.
Quant à la féminisation de l’encadrement, certes elle est en constante progression. Mais une étude publiée par le réseau des grandes écoles a révélé qu’après les mêmes études et à âge égal, seules 28 % des femmes siègent au comité de direction contre 43 % des hommes.
En ce sens, la loi Copé-Zimmermann a permis une accélération notable de la présence des femmes aux conseils de grands groupes. En effet avec 28 % de femmes aux conseils, le CAC 40 a atteint en avance le premier seuil de 20 % fixé par la loi en 2014. Cette progression rapide permet à la France de surperformer la moyenne européenne de 16%. Mais cette parité décroit avec la taille : d’après l’observatoire Ethics & Boards, les conseils des 112 premières entreprises du SBF atteignent 23,3 %, pour les 131 sociétés qui suivent, le taux tombe à 17,5%. Aujourd’hui, la marge de progression pour les femmes est d’environ 9000 postes à pourvoir d’ici à 2017.
Il est donc impératif de valoriser le capital féminin pour gagner en croissance. La parité au sein des conseils d’administration est la partie émergée de l’iceberg. La diversité de genre doit être une opportunité pour les entreprises. Elle est le catalyseur de la performance car elle contribue aux évolutions économiques et sociétales vers un développement plus durable.
N’oubliez pas, le capital humain impacte trois leviers fondamentaux : la croissance, la compétitivité et la confiance en l’avenir.
Aujourd’hui La conduite d’une démarche d’égalité femmes –hommes doit impérativement être portée par l’entreprise.
Car les politiques conduites par les gouvernements successifs ont bien souvent pesé sur l’emploi des femmes. Les mesures adoptées en matière fiscale (mode d’imposition des couples), familiales (congé parental), d’égalité professionnelles et de qualité des emplois, influencent significativement le comportement des femmes à l’égard de l’emploi. Preuve la modification de l’allocation parentale d’éducation en 1994 a rapidement causé une forte chute du taux d’activité des mères.
La multiplication du nombre de crèches, le respect de la loi sur l’égalité salariale et le congé paternité, voilà des signes forts en matière d’emploi des femmes et une réponse à une croissance faible et au déséquilibre financier du système de retraite.
C’est l’enjeu de demain.
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